Paroles d'acteurs
Stéphanie vit dans le sud du département de la Haute-Garonne avec ses filles de 13 et 20 ans, et son petit-fils de 2 ans. Un week-end sur deux, elle reçoit son fils de 7 ans dont elle a la garde partagée avec le père. Bénévole dans une équipe du Secours Catholique Ariège-Garonne, elle apprécie les rencontres et l’entraide, bien utiles quand le budget familial est si modeste.
Elle a passé un CAP de cuisine en 2019 et décroché quelques contrats de quelques mois, mais au moment du confinement, elle n’était pas en poste et n’a pas pu retrouver tout de suite un emploi. Depuis le déconfinement, elle a obtenu un contrat de trois mois en remplacement qui s’est terminé fin octobre. Elle n’a pas de pistes pour l’instant.
Côté ressources, lorsqu’elle n’a pas de salaire, Stéphanie touche environ 800 € par mois soit le montant du revenu de solidarité active (RSA) ajouté à 140 € d’allocation familiale. Sa fille aînée bénéficie aussi du RSA et participe aux frais de la famille. Elles se répartissent le paiement des factures et se rendent parfois aux Restos du Cœur pour compléter leurs besoins alimentaires ou à la Ressourcerie pour les besoins vestimentaires des enfants.
Les fins de mois sont parfois très serrées. Pour Stéphanie, ce sont toujours les enfants qui en pâtissent le plus. « C’est très compliqué de toujours dire non aux enfants et parfois on ne peut pas faire autrement qu’acheter : les enfants grandissent, il faut les habiller. Je sens que le regard des autres enfants sur eux et la comparaison sont difficiles à vivre. »
Au quotidien, Stéphanie explique qu’il faut faire attention à tout. Ne pas laisser trainer le paiement des factures pour éviter les dettes. Elle cuisine et cela lui permet de baisser son budget alimentation car elle a constaté que les produits tout faits sont souvent plus chers, même en se contentant du premier choix. Elle achète des produits de base même si elle ne peut pas acheter la qualité qu’elle souhaiterait et les prépare. De plus, c’est parfois mieux de pouvoir transformer certains produits de l’aide alimentaire également.
Pendant le confinement, en plus de ne pas pouvoir trouver un emploi, elle a eu des difficultés à entrer en contact avec les services publics. Jusqu’à aujourd’hui, le lien avec les administrations est difficile ; les services n’ont pas remis en place l’accueil physique. Cela alourdit les démarches des personnes et impacte le temps de traitement des dossiers. Comme Stéphanie le dit très bien pour l’avoir vécu et entendu le témoignage d’autres personnes : « Tout le monde n’est pas à l’aise pour faire ses démarches par téléphone ou en numérique. Et surtout, tout le monde n’est pas équipé pour cela. Il faut une connexion internet, un ordinateur et une imprimante. Près de chez moi, il n’y a plus d’endroit où avoir accès à un ordinateur pour faire tout type de démarche avec une personne qui peut nous dépanner si on bloque. » Avec ses revenus différents selon les mois où elle travaille ou pas, Stéphanie est très attentive à ce que les changements qu’elle signale soient bien pris en compte par l’administration, afin de ne pas avoir de problèmes de versement.
Le fait de ne plus pouvoir avoir accès à la culture et aux loisirs facilement est aussi quelque chose qui manque beaucoup à Stéphanie : médiathèque, cinéma, pouvoir se retrouver avec d’autres. Elle est bénévole au Secours Catholique et son équipe propose des temps de rencontre et des activités à des personnes qui sont isolées et n’ont pas un accès facile à la culture. Les bénévoles avaient même mis en place un atelier informatique, pour répondre à la problématique de l’accès au numérique pour les démarches administratives. La crise sanitaire a mis un frein à toutes ces activités.
Souhila est une jeune maman algérienne de 23 ans, hébergée dans un hôtel social par le « 115 ». Au Secours Catholique d’Ariège-Garonne, elle a été accueillie au sein de l’équipe Cap Bébé, qui accueillent des mères isolées, une demi journée par semaine. Voici décrit son parcours d’intégration.
Sans papiers, elle n’a pas le droit de travailler et se trouve donc sans ressources, exceptée l’allocation de 150 € qu’elle perçoit tous les trimestres du conseil départemental pour l’entretien de sa fille de deux ans et demi. Elle a réussi à obtenir une promesse d’embauche dans une boulangerie-pâtisserie grâce à sa double formation en secrétariat et pâtisserie et espère que les démarches pour régulariser sa situation vont aboutir positivement et rapidement.
En attendant, elle se débrouille comme elle peut, en économisant sur l’allocation du conseil départemental pour payer son titre de transport et quelques aliments spécifiques pour sa petite fille. Pour le reste, des associations lui accordent une aide pour l’alimentaire, pour ses démarches administratives et pour subvenir aux besoins de sa petite fille.
Au Secours Catholique, elle a été accueillie au sein de l’équipe Cap Bébé, qui accueille des mères isolées, une demi journée par semaine. Là-bas, Souhila dit vivre de la solidarité et de l’entraide. Elle retrouve des mamans dans la même situation qu’elle. Elles discutent, se soutiennent mutuellement, elles partagent leurs difficultés, leurs informations ; elles s’entraident pour trouver des solutions.
La vie de Souhila n’est pas simple, et la situation sanitaire a aggravé ses difficultés. Lors du premier confinement, elle, comme d’autres mères, aurait eu du mal à s’en sortir sans le soutien des bénévoles pour leur procurer des produits d’hygiène pour sa fille et elle, ainsi que de la nourriture, pour compléter ce qui était donné.
Actuellement, même si elle sort pour emmener et chercher sa fille à l’école, Souhila dit craindre les contrôles de police et la reconduite aux frontières et n’ose pas trop sortir. Elle passe ses après-midi avec sa fille à l’hôtel. Elle garde le lien avec les bénévoles de Cap bébés et les mamans par téléphone, dans cette période où il n’est plus possible de se retrouver.
Quand on lui demande comment elle trouve l’énergie de continuer d’avancer, elle répond : « La France est un pays de droit et de loi. Un pays d’égalité. Malgré mes difficultés, je vis tranquillement avec ma fille. Les gens sont ouverts d’esprit. Je trouve des gens et des associations qui m’aident et avec qui je peux partager mes difficultés, donc je ne me sens pas seule. Et il y a plein de bonnes choses pour ma fille ici. »
Joséphine est arrivée du Gabon en juillet 2019, fuyant un mari violent. Bénévole au Secours Catholique Ariège-Garonne, engagée dans l’accueil pour mamans isolées, Pause-Mamans, elle témoigne de son parcours.
Elle a été hébergée par sa sœur le temps d’enclencher les démarches administratives et la prise en charge de ses problèmes de santé dus à sa situation passée. Lorsque sa sœur a déménagé, Joséphine est restée à Toulouse car elle y était suivie médicalement et administrativement. La solidarité paroissienne lui a permis de bénéficier d’un logement.
Côté ressources, elle a été sans ressources jusqu’à récemment. En effet, elle n’a obtenu le statut de demandeur d’asile qu’en septembre 2020 et depuis elle n’a touché en octobre que le prorata de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) du mois de septembre. Avant, elle ne pouvait compter que sur l’aide de sa sœur qui lui envoie 100 € par mois et lui paye son abonnement de portable et sa carte de transport.
« Ce n’est pas facile de vivre en étant dépendant des autres. Tu ne peux pas faire ta vie comme tu veux, tu dois toujours te rappeler que tu n’es pas chez toi. »
Son bénévolat au Secours Catholique à Pause-Mamans, lieu d’accueil pour mamans isolées, lui donne la force de ne pas baisser les bras car elle constate qu’elle n’est pas la seule dans ce cas.
Comment envisage-t-elle l’avenir ? : « J’aimerais avoir un "chez moi" et me prendre en charge, ne plus dépendre de quelqu’un, recommencer ma vie normalement. » Joséphine est un peu angoissée pour l’avenir. Mais elle est très discrète : ce n’est pas dans ses habitudes de parler de sa vie.
Il y a moins d’un an, Nabintou et sa famille n’avaient pas de problème particulier : son mari et elle travaillaient et pouvaient subvenir à leurs besoins ainsi qu’à ceux de leurs deux enfants. Les périodes de confinement ont entravé leurs emplois et perturbé leur budget par voie de conséquence. Le Secours Catholique d’Ariège-Garonne leur a tendu la main, ils bénéficient de l’accès à l’épicerie sociale. Voici le récit de leur combat pour rester debout.
Fin 2019, l’entreprise qui employait Nabintou à temps partiel a connu quelques difficultés qui l’ont amenée à la licencier. Le retard de paiement du salaire de Nabintou et le retard de versement des allocations familiales ont fragilisé le budget du ménage qui s’est retrouvé début 2020, avec des dettes. En mars 2020, avec le confinement, le mari de Nabintou n’a pas pu avoir de missions d’intérim. En quelques mois, le ménage est passé d’environ 1600 € de salaires par mois à 400 € correspondant à l’allocation chômage de Nabintou.
À cette époque, la famille en difficulté est entrée en contact avec le Secours Catholique. Pendant le confinement, elle a pu bénéficier d’une aide sous la forme de chèques-services ; des bénévoles sont aussi venus leur rendre visite. Au déconfinement, ils ont pu rejoindre une des épiceries sociales de l’association.
Aujourd’hui, la situation de la famille s’est accalmie. Le mari de Nabintou a pu reprendre ses missions d’intérim, ils ont réglé leurs dettes et Nabintou suit une formation rémunérée depuis septembre pour construire son projet professionnel. Le fait de pouvoir bénéficier des tarifs de l’épicerie sociale jusqu’à la fin de l’année leur permet de soulager leur budget et contribue à le stabiliser.